« Sources du vent », Pierre Reverdy, Gallimard, 1971
- Juliette Arnaudet
- 2 nov. 2020
- 2 min de lecture
AVANT L’HORLOGE
« Je crois qu’on descend
La nuit monte
Les chiens sont sur le boulevard
Et les hommes sont en retard
Le papier gris déteint
Les voitures qui glissent
Le bruit est dans le mur où le soleil s’éteint
Au bout de l’avenue tous les êtres périssent
On entendait chanter il n’y a qu’un moment
Trois rues forment ta main qui s’accroche
Et tu meurs
Ville
Aux sons innombrables
Les cloches
Bijoux d’or
Les oreilles des places
Ecoutent ce qu’on dit
Dans la maison d’en face
Et moi je dors
L’esprit étendu sur la pierre
Les bras sous les coussins
Cherchant une prière
Pour la fin. »

J’ai retrouvé ce vieux recueil de poèmes dont les pages étaient sur le point de s’envoler, dont les sources du vent semblaient vouloir s’étioler dans l’oubli.
Le style poétique de Pierre Reverdy étant à la fois simple mais très imagé, il a fallu un temps d’adaptation à sa prose, plusieurs semaines, puis je suis partie dans cet univers musicalement silencieux.
Il y a quelques fulgurances dans les poèmes, magnifiques ; des lignes doucereuses de cendres parisiennes et des plans en-dessous des étoiles et des voyageurs.
La magie fait son effet et j’ai apprécié cette délicate balade dans le monde discret de ce poète.
SAISON TREMBLANTE
« La belle vitre bleue
La maison tranquille
Un oiseau à l’aile brisée
Un feu qui brille
Ce n’est pas encore l’été
On ne sait pas d’où vient la lumière
Une forme vient se poser
Trois papillons dans la poussière
Les branches sur la cheminée
Le rayon à la vitre claire
La glace tremble
Ce n’est pas encore l’hiver
On ne peut pas se regarder
Le carillon de cuivre sonne
Un pas monte dans l’escalier
Ne sachant pas la peur qu’il donne
Et si léger
Car le nom qu’on n’a pas crié
Monte au plafond
Et l’on s’étonne
De ne pas voir dans la fumée
Et dans l’air libre qui résonne
Le fil où pend cette araignée
Une main qui n’est à personne
Dans l’espace s’est arrêtée. »
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