"Anatomie d'une chute", Justine Triet (2023)
- Juliette Arnaudet
- 11 oct. 2023
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 12 oct. 2023
« Anatomie d’une chute » est un film réalisé par Justine Triet et a reçu la Palme d’Or du Festival de Cannes 2023.
La rentrée est passée et je reprends le chemin du cinéma. Cela faisait un moment que je voulais aller voir ce film et je n’ai pas été déçue : j’ai adoré et je ne me suis pas ennuyée une seconde !
On suit la vie d’une famille installée dans les Hautes-Alpes, avec deux parents artistes et leur fils malvoyant. Un jour, le père est retrouvé mort au pied de la maison, comme s'il avait chuté ou avait été poussé de l'étage. Tous les soupçons se concentrent petit à petit sur la mère jusqu’à construire un huit-clos sans issue apparente (Attention : spoilers dans ce billet de blog !).
Ce film est tout d’abord esthétiquement très beau et très bien pensé dans le symbole de l'enfermement, le chalet au milieu de nulle part. La matérialité de cet immense bâtiment et l’immatérialité des histoires humaines qui s’y déroulent s’entremêlent : l’atmosphère de tension est palpable, comme si les mots et les douleurs cachées de chacun et chacune étaient absorbés par le lieu. Au milieu du vide des montagnes, le drame grandit. Le chalet est donc un lieu qui participe complètement au dévoilement de l'histoire : les plans rapprochés sur les différentes pièces peuvent s’apparenter à différentes scènes de théâtre, où la réalité et la fiction vont se dissoudre, comme un rappel du procès.
Les séances au tribunal sont le lieu de dénonciation de nombreuses intolérances et manque d'impartialité : l’avocat général est clairement sexiste et LGBTphobe. On ne croit pas les témoignages de la mère, malgré la présomption d'innocence et le manque de preuves concrètes. On demande à Daniel d’être écarté des séances lorsque cela deviendrait trop sensible pour lui, tandis qu'il fait savoir que c'est important pour lui de rester, pour connaître la vérité et soutenir sa mère, etc. Justine Triet pointe ici du doigt tout un système et une société défaillante, manquant d'empathie et d'ouverture à l'autre.
Sandra, Samuel et Daniel sont des personnages vrais et bouleversants. Certains codes de l’intrigue et de la personnalité du couple peuvent faire penser à de nombreuses affaires judiciaires, cependant le film ne nous fait pas nous arrêter qu'aux apparences. Nous sommes plongé.es dans l'histoire de ces trois personnalités, au coeur de leurs souffrances et leurs fragilités. A la personnalité réelle se superpose une personnalité fictive pour mieux faire grandir la culpabilité et l'agitation sur le personnage suspecté, Sandra. Avec ce mélange de réalités, j'ai trouvé très intéressant l'usage de différentes langues, entre le français et l'anglais : l'anglais semble plus participer à l'expression de la réalité émotionnelle et identitaire des personnages, alors que le français s'apparente plutôt à une forme de réalité qui reste toujours en surface.
Ce qui m’a particulièrement frappé dans cette intrigue, c’est qu’elle ne se concentre pas seulement sur le couple, mais sur sa descendance : Daniel, qui navigue entre la mort de son père et l’accusation de sa mère. Au fur et à mesure du film, ce garçon à première vue de passage dans l’histoire, prend de plus en plus de place jusqu’à devenir la clé pour arrêter la chute de Sandra : au-delà du tribunal qui tranche juridiquement, il y a ce garçon sensible et droit, qui tranche émotionnellement.
Ce personnage est magnifique !
En conclusion, ce film mérite sa Palme d’or : il entre dans l’intimité et les drames d’une famille en déployant toute la violence qui en résulte, avec quelques très belles touches de tendresse. Il se rapproche au plus près de la réalité d'un mal-être et décortique avec justesse cette chute à la fois mortelle, émotionnelle et symbolique.
A voir de toute urgence !
La bande-annonce du film :
A bientôt !
Juliette
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