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"Handling the Undead", Théa Hvistendahl (2024)

  • Photo du rédacteur: Juliette Arnaudet
    Juliette Arnaudet
  • 10 oct. 2024
  • 4 min de lecture

« Handling the Undead » est un film norvégien réalisé par Théa Hvistendahl et sorti en février 2024. Il se déroule durant la période estivale à Oslo. Il est l’adaptation du roman d'épouvante Handling the Undead de John Ajvide.


Si « Handling the Undead » est un film avec des apparitions zombies, il n’est pas tout à fait ce qu’on peut appeler un film d’horreur. Il s’apparente en effet plutôt à un thriller psychologique et fantastique qui aborde de nouvelles réflexions à propos du deuil : à travers un jeu cinématographique, une nouvelle manière d’aborder la mort et ses manifestations physiques et une nouvelle réflexion sur le traumatisme et la perte de l’être aimé.


On est tout de suite heurté par le jeu cinématographique de Thea H., qui enferme le spectateur dans un silence quasi total : le tout début du film commence par un chant religieux norvégien, puis une grande partie du film se déroule dans le silence. Seuls les éléments de loisirs ou pratiques sont animés autour des personnages (la télévision, les lampes, le téléphone…). Un silence qui plonge déjà dans une atmosphère angoissante, qui préfigure le bouleversement surnaturel qui va se produire.

Ce silence des espaces est mimétique du silence et de la douleur des êtres humains qui y vivent. Ils sont mutiques de par la violence du deuil auquel ils font face, mais ils sont aussi mutiques de par les conflits relationnels qu’ils entretiennent les uns avec les autres. Ce silence est aussi renforcé par des plans cadrés sur les passages et le vide laissé par les personnages (une porte qui se referme, un vase renversé sur la table), un regard que j’ai personnellement beaucoup apprécié : on ressent vraiment une forme de violence et une tristesse impalpable qui est prête à se déchaîner, un monde dont les émotions bouillonnent dans cette absence-présence.


Ce que j’ai aussi trouvé très intéressant est la cinématographie autour de la mort, c’est-à-dire, comment la mort est représentée avec de nouvelles manifestations physiques, tout en réinterprétant/modernisant certains motifs. Le phénomène qui crée la fracture entre le monde des morts et des vivants se manifeste par un orage durant la nuit. Les sons électromagnétiques deviennent insistants, les personnages ont mal au crâne, les radios et les téléphones se déclenchent tout seuls.  Si l’apparition nocturne des morts est une réinterprétation d’un motif bien plus ancien, elle est ici replacée dans le contexte du monde moderne. Oslo se retrouve donc plongée dans une forme de faille spatio-temporelle où le temps semble s’arrêter ou s’inverser — une des endeuillées coupe d’ailleurs la communication du téléphone de sa maison, et ainsi, avec le reste du monde.

Dans le film, le retour des morts-vivants est maintenu dans une forme d’explication très factuelle. De manière scientifique, les morts semblent survivre, car cliniquement parlants, ils ne respirent qu’avec très peu d’oxygène. Ce ne sont pas des apparitions fantastiques, mais des corps qui, mystérieusement, se maintiennent en hibernation. Ils ne mangent pas, ne parlent pas, ils reviennent simplement sur les traces qu’ils ont laissé dans leur famille. Cela en fait de nouvelles entités que les vivants ont du mal à appréhender, car leur personnalité semble complètement altérée. On ne sait pas si les émotions qu’ils semblent ressentir (des larmes lors d’une danse de couple par exemple) sont simplement un souvenir de leurs émotions passées ou de réelles émotions dans le moment présent. Ces nouvelles manifestations physiques des morts revenus à la vie permettent de glisser vers une réflexion beaucoup plus intime : si les morts ne semblent plus vraiment être ni vivants, ni morts, que faire du deuil ?


En effet, l’esthétique et l’histoire d’ « Handling the Undead » servent à aborder une nouvelle réflexion sur le traumatisme et la perte de l’être aimé. Dans ce film, chaque famille fait face à une mort violente, inattendue. Lorsque le ou la mort.e revient, les familles sont décontenancées et le deuil, comme la temporalité, s’inverse : il y a le choc, puis l’espoir que la vie puisse reprendre comme avant. Cependant, toute la force de ce film réside dans le fait que cette expérience devient impossible et même, horrifique. Le retour des morts ne peut qu’être temporaire et la réalité reprend le pas sur le fantastique, car les corps sont vivants, mais les esprits sont partis. Au fur et à mesure, l’horreur se retrouve devant les familles : on comprend que les morts-vivants souffrent plus d’être revenus à la vie que d’être partis. L’âme de ces corps n’existe plus, seule reste une brutalité et animalité sans aucune empathie et donc sans humanité.

Ainsi, le deuil ne peut se faire qu’avec une libération, qu’un retour à une forme de paix et d’acceptation de la perte de l’être aimé. Le vrai traumatisme n’est finalement pas la perte, mais plutôt le retour de ce.tte. mort.e-vivant.e qui empêche le.la vivant.e d’aller de l’avant. La libération à travers l’acceptation du deuil se voit aussi physiquement dans le film. Au fur et à mesure qu’on assiste à cette réalisation par les différents personnages, la sensation d’enfermement dans des espaces confinés s’estompe pour déboucher sur de grands cadres dans des espaces nordiques (les montagnes et la mer), comme si le brouillard du deuil se dissipait. Je trouve que c’est une très belle symbolique, où l’on sent une nouvelle force de vie.


J’ai été profondément touchée par le cheminement que raconte ce film et j’ai été frappée de plein fouet par la force des émotions que l’on ressent à travers les personnages, cela a fait vibrer des cordes auxquelles je ne m’attendais pas. J’ai autant aimé l’atmosphère angoissante et l’esthétique créée, le sens du détail de la cinématographie, que la profondeur de la réflexion sur le deuil.


Je vous invite vivement à aller voir ce film dans les festivals, si vous le croisez !



Le compte Instagram de la réalisatrice :




Présentation du film dans le cadre du Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg :





À bientôt !



Juliette

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