« En Corps », Cédric Klapisch (2022)
- Juliette Arnaudet
- 27 juin 2022
- 3 min de lecture
« En Corps » est un film réalisé par Cédric Klapisch et sorti en salle en mars 2022.
Il raconte la reconstruction d’une jeune danseuse classique prometteuse, obligée de réinventer tout son chemin de vie après s’être blessée pendant un spectacle et s’être fait dire qu’elle ne pourrait plus danser. Si le synopsis semble classique, la réalisation du film donne toute l’originalité et le goût de renouveau que nous conte Klapisch dans ce petit bijou.
Tout le monde peut déjà remarquer le jeu de mots dans le titre, « En Corps » et « Encore », où la matière se mélange au mouvement, où l’engagement du corps influence l'âme à toujours se dépasser et inversement.
Dès l’opening, nous savons que le film ne va pas trop tomber dans les clichés du genre. La ronde des danseuses classiques au ralenti est contrasté par une musique électro-rock, annonçant déjà la transition que va opérer le personnage principal entre la danse classique et la danse contemporaine et urbaine. La couleur rouge pourrait faire penser à une forme d’énergie vitale, un sang symbolique versé pour continuer à vivre de sa passion malgré les obstacles.
La première scène donne le ton : rigueur, sacrifice, exigence et compétition sont omniprésentes au Ballet de l’Opéra national de Paris. Alignement des corps et des esprits. Elise devient l’élément perturbateur en plein milieu d’une chorégraphie : on la met bien vite de côté avec beaucoup de condescendance. Au drame public s’ajoute le drame intime, puisque tout ce pour quoi elle s'est battue depuis son enfance s'écroule. Double jeu entre les apparences de la scène et la vérité de l’âme humaine en coulisse.
De ce fait, Elise revient dans sa région familiale, la Bretagne, rejoindre son père (Denis Podalydès) toujours un peu sceptique quant à son parcours de danseuse et ses deux soeurs aux chemins tout aussi éclectiques et différents. Après plusieurs mois moroses, la jeune femme découvre la danse contemporaine mais nie son chamboulement intérieur. Elle abandonne la danse et décide d’aller travailler en cuisine dans une résidence d’artistes tenue par une propriétaire au caractère bien trempée (Murielle Robin, excellente dans son personnage). Douce surprise : elle retombe sur la compagnie de danse urbaine qui s’installe pour quelques jours.
Tout change. Elise intègre la troupe, réintègre son corps.
Le mouvement passe par le sol, l’accompagnement, le corps comme communauté, à la fois aérien et courbes de plomb. Elise se mêle au groupe, ouvre ses gestes et ses émotions. Avec la danse contemporaine, elle crée des intensités entre le rythme, la présence et le drame, fait ressortir toute son animalité et sa rage de vivre. La bande-son accompagne son travail par une musique moderne voire agressive, reflétant toujours plus son nouvel accomplissement.
Par ailleurs, des petites perles d’humour s’éparpillent un peu partout : c’est une autre mélodie drôle-amère qui se joue dans ce récit, mais qui ajoute une plus grande amplitude d’interprétation des vécus des personnages. Leurs portraits ne sont jamais complètement linéaires, ce qui ajoute une subtilité et une pudeur très douce dans ce qui est raconté.
J’ai beaucoup aimé ce film pour sa réflexion sur la création artistique et les chemins atypiques de vie, sa vision de la danse et de la musique très organique, ses jeux entre lumière et obscurité, entre théâtres intérieurs et extérieurs, sa sensualité dans la délicatesse des corps et des mouvements.
C’est le troisième film que je vois de C. Klapisch et je pense qu’il dépeint extrêmement bien la complexité des relations humaines avec une belle originalité et une sensibilité.
A voir et revoir! :)
Et vous, vous avez vu ce film? Quelles sont vos impressions, vos interprétations?
A bientôt,
Juliette
La bande-annonce:
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