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"France", Bruno Dumont (2021)

  • Photo du rédacteur: Juliette Arnaudet
    Juliette Arnaudet
  • 30 août 2021
  • 4 min de lecture


France est un film belgo-italo-germano français réalisé par Bruno Dumont.

Il est sorti le 25 août 2021 et a été adapté de l’oeuvre « Par ce demi-clair matin » de Charles Péguy.


Bien que n’ayant jamais lu cette oeuvre, je me suis dirigée vers la séance de cinéma afin de découvrir ce nouveau film avec l’actrice Léa Seydoux, mais aussi le chanteur Benjamin Biolay et l’humoriste et comédienne Blanche Gardin.

A la sortie de cette séance, j’ai dû reprendre mon souffle face à cette plongée dans le monde et les problématiques géopolitiques d’aujourd’hui. Reprendre mon souffle également face à cette vision cruelle et très vraie du monde des médias et de la télévision.


Le film montre la vie quotidienne d’une brillante journaliste nommée France De Meurs (remarquons tout de suite le jeu de mots avec « France demeure », qui préfigure tout le personnage) à la tête d’une émission TV et de reportages de guerre. Mariée (Benjamin Biolay) et mère d’un petit garçon, elle réside dans un gigantesque appartement parisien recouvert d’oeuvres artistiques éclectiques. France incarne complètement un archétype: celui de la femme parisienne à la vie bien réglée, belle et à la carrière fulgurante, demandée et reconnue pour son talent de tous les côtés.

Nous découvrons une femme au caractère bien trempé, animant les débats avec force et radicalité. Son style vestimentaire est aussi une manière de montrer son intégration parfaite à cette société médiatique: robes de luxe, costumes « british » en tweed colorés, blazers avec une jupe élégante, des habits la mettant en valeur et la plaçant constamment au centre de l’attention.

Son allure aristocratique en fait un personnage inatteignable, qui obtient ce qu’elle veut pour arriver à ses fins.


Dans la première partie du film, nous découvrons comment France réalise ses reportages, pour la plupart ultra-retouchés, recoupés et retraduits. Elle montre une réalité truquée, remodelée dans la réflexion qu’elle souhaite faire passer, ce qui lui permet d’obtenir constamment le succès à travers son public. Elle se met en scène, arborant ridiculement un rouge à lèvres pétant au beau milieu d’une zone de bombardements, faisant jouer le pathos. Son assistante (Blanche Gardin), qui surveille 24 heures sur 24 sa notoriété, ne manque pas non plus de l’encenser comme une idole.

Tout sourit à France, pourtant nous assistons à une descente spectaculaire, à la mesure de son ambition et de son manque de scrupules.


Dans la deuxième partie du film (presque la moitié et fin du film), une multitude d’évènements font progressivement sombrer France dans une profonde déprime. A la fin ne lui reste même plus le succès de ses reportages, dont on a découvert la réalité.

En retard à un rendez-vous professionnel, elle renverse un jeune homme en moto. Bouleversée, France commence à faire des faux-pas, attisant la curiosité des journaux à sensations. Elle découvre un autre milieu que le sien et semble brusquement avoir une prise de conscience par rapport à son statut. Elle s’éloigne des dîners mondains, se fâche avec son mari. Une nouvelle descente lorsque, se retrouvant dans une clinique en pleine montagne pour reposer ses nerfs, elle tombe amoureuse d’un trentenaire atypique. Celui-ci s’avèrera être un journaliste qui l’utilise pour un article. Je ne vais pas en dire plus afin de garder un peu de suspense si le coeur vous dit d’aller voir ce film, mais la déchéance de France ressemble à celle d’une tragédie classique.


J’ai apprécié ce film pour sa critique acerbe du milieu des médias et du poids et exigences dûes à la célébrité. Les multiples histoires que vit France au sein de la chaîne de télévision où elle est employée, mais aussi au sein de sa vie intime, permettent de se faire une idée claire de la violence du milieu. Les débats télévisés semblent vides de sens, les personnages parlant beaucoup pour finalement ne rien dire d’intéressant. De vieux hommes blancs aux dîners de grandes entreprises font un piédestal au capitalisme. La carapace de France est mimétique des reportages qu’elle produit: une façade au profit d’une course au nombre de vues.


Cela m’a fait énormément réfléchir à la notion de réalité et à ce que les journaux de télévisions veulent bien nous montrer. Ce film m’a démontré, une fois de plus, que le monde des médias, de la télévision, de la célébrité et des réseaux sociaux est à prendre avec des pincettes et qu’il s’agit de toujours rester critique quant à la véracité des images que les journalistes nous dévoilent.

Bien sûr, tous les journalistes ne sont pas sans éthiques, mais il est légitime de s’interroger sur les conditions de la production d’un reportage. Puisqu’il faut sélectionner les images et les mots employés pour un tel travail, quelles sont les images qui ne sont jamais montrées? Elles sont peut-être toute aussi importantes que les images choisies…


L’esthétique du film est également magnifique: certains plans, notamment lors du séjour dans cette clinique dans les Alpes, sont originaux. J’ai beaucoup aimé le fait d’avoir donné autant de couleurs dans le look du personnage principal et d'aborder des sujets réellement actuels tels la crise des migrants ou la menace terroriste.

Enfin, Blanche Gardin joue à merveille son rôle d’assistante: son caractère fait grincer des dents, tant il est criant de vérité dans son comportement de requin.


J’ai aussi quelques critiques à faire : quelques longueurs auraient pu être évitées. Beaucoup trop de gros plans du visage de Léa Seydoux, avec une musique de violons qui tire en longueur. A un certain moment, on a compris que le souhait du réalisateur est de montrer les contradictions qui se jouent dans le for intérieur de France.

Une scène d’accident aurait pu aussi ne pas autant plonger dans le pathétique et les détails.

Un manque de dynamisme à certains endroits donc, mais cela n’enlève pas le plaisir de continuer le film.

Ce portrait archétypal dans un monde médiatique contemporain est à voir!


La bande-annonce du film:








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