"Houria", Mounia Meddour (2023)
- Juliette Arnaudet
- 31 mars 2023
- 3 min de lecture
La bande-annonce officielle du film :
« Houria » est un film réalisé par la réalisatrice franco-algérienne Mounia Meddour, avec pour actrices principales Lydia Khoudri (Houria), Rachida Brakni, Nadia Kaci.
Il raconte l’histoire d’une jeune danseuse vivant à Alger avec sa mère, travaillant dur pour l’espoir de vivre de sa passion, mais aussi de quitter un pays ravagé par la pauvreté, la violence et le manque d’opportunités.
Ce scénario peut faire penser au film « En Corps » de Cédric Klapisch sorti dans les salles en 2022, qui aborde la même thématique de la danse et de la chute, allié à la reconstruction du corps et de l’esprit. L’ayant vu, j’ai trouvé cela intéressant de le mettre en résonance avec le film de Mounia Meddour.
Nous sommes plongés dans Alger en perpétuelle reconstruction de ses blessures passées, reconstruction difficile puisqu’il s’agit d’une société très binaire, où les hommes et les femmes se croisent peu souvent dans leurs univers respectifs. Houria est celle qui croise ces chemins : le jour, elle travaille jusqu’à l’épuisement dans l’espoir d’être repérée par une chorégraphe parisienne lors d’un spectacle final avec un groupe de danseuses. La nuit, elle s’engouffre dans le monde des hommes, qui font des combats de béliers pour parier et gagner un peu d’argent. Houria s’y incruste pour avoir les moyens de faire un cadeau à sa mère. Mais un soir, elle croise la route d’un ancien terroriste, qui, se sentant lésé, la suit en pleine nuit jusqu’à son domicile et la fait brutalement tomber dans des escaliers. Trou noir.
Houria se fracture la cheville et devient muette de par le traumatisme : elle entre dans un hôpital spécialisé. C’est là que la renaissance se fait : elle rencontre une communauté de femmes aidées par une infirmière et auxiliaire de vie. Toutes marquées par une violence et une perte en lien avec des actions terroristes, elles trouvent dans la sororité une nouvelle manière de guérir leurs traumatismes. C’est là qu’intervient, à mon avis, la force de ce film sur le parcours de reconversion d’Houria, en comparaison avec le film de Klapisch : dans un environnement ultraviolent et de répression de la parole des femmes, Houria finit par guider et transformer en force cette communauté dans laquelle elle vit. Elle devient chorégraphe, guide les mouvements, les pas de danse, souhaite rendre hommage à sa meilleure amie qui a péri en mer parce qu’elle voulait construire une nouvelle vie en Espagne. Comme dans le film de Klapisch, le mouvement de danse, plus ancré dans le contemporain, devient un nouvel élan de vie. Mais ce mouvement est plus incarné, plus fort je crois, car l’univers d’ « En Corps » se déroule en partie dans un milieu très parisien et privilégié.
Houria semble également plus libre par rapport au personnage d’Elise chez Klapisch : plus libre dans son parcours mais aussi dans ses relations. Dans le film « En Corps », le personnage réussit bien à se reconstruire dans un collectif de danse contemporaine similaire, mais il semble que le personnage féminin soit forcément obligée de se trouver un partenaire, comme si le film ne pouvait pas être complet sans cette « happy ending ». Bien que le ton du film de Klapisch soit aussi plus humoristique et donc, que les quiproquos dans les relations amicales et amoureuses s’adaptent bien à la ligne directrice de l’histoire, je trouve personnellement ce parti-pris réducteur. Houria, de son côté, semble plutôt se réfugier complètement dans cette force féminine, qui est aussi mis en lumière de par la culture algérienne et de par le mode de vie de cette société scindée entre les deux pôles féminins et masculins.
Finalement, Houria, dans l’image de sa force et de l’incarnation de sa féminité et de celles des autres femmes, me semble être un personnage convoquant plus de réalisme que celui d’Elise, même s’il y a certains points intéressants aussi dans le parcours de celle-ci. Par exemple, la relation de confiance avec ses deux soeurs. On voit cette incarnation du personnage d’Houria à travers la danse même, car la vision du corps féminin est développée à travers la subtilité de la réalisatrice, plus à même de comprendre ces problématiques. J’ai été personnellement touchée plus profondément par la performance et le chemin d’Houria que celui d’Elise, car une forme de vérité se dégage de son essence : une vérité dans le corps, les émotions, la persévérance. En comparaison, Klapisch reste à mon sens en surface de cette représentation du personnage féminin.
Je conseille vivement ce magnifique film de Mounia Meddour et malgré tout, le film de Cédric Klapisch : les deux parcours de ces personnages sont très différents mais tout aussi riches. Certaines personnes se reconnaîtront dans un film plutôt que l’autre mais chaque film propose une conception artistique qui mérite d’être visionnée.
A bientôt !
Juliette
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